30.5.10

dix heures



L'égouttement du robinet, le tac-tac-tac de l'horloge, bruits du quotidien qui hier la rassuraient, lui semblaient ce soir oppressants.  Elle retourna son oreiller brûlant pour la sixième fois et en profita pour regarder le réveil. Dix heures. Elle poussa un soupir. La nuit n'était toujours pas tombée. Elle pouvait encore clairement distinguer le blanc stérile du plafond et voir les cartes postales encadrées disposées sur les murs de manière parfaitement parallèle. Ce plafond et ces murs semblaient chaque jour se rapprocher. Un jour, je pourrais les érafler avec le bout des doigts, se dit-elle. Un jour, je pourrais les effleurer avec mon nez. Même le matelas semblait plus dur que la veille. Elle se retourna, tentant en vain de trouver une position plus confortable. Elle regarda son compagnon de lit. Il ronflait déjà. Il travaillait le lendemain. Le lendemain, elle se lèverait pour lui préparer le café, qu'il boirait à sept heure pile. Elle le regarderait manger trois tartines beurrées, puis il partirait au travail après lui avoir déposé un bisou sec sur les lèvres. A son retour, elle lui servirait le le dîner à sept heures, ils regarderaient tous les deux la télé jusqu'à dix heures moins dix, puis ils se coucheraient. Et les murs se seraient rapprochés davantage. Oh, de très peu, de quelques millimètres peut-être, mais ils se seraient rapprochés. Lui ne se serait aperçu de rien. Mais elle ne lui en voulait pas. Après tout, il lui avait apporté un appartement propre, de la stabilité, et de la compagnie. Mieux valait être accompagnée que seule, non? Et puis la vie avec lui était sûre, sans surprises, sans rebondissements, en un mot, calme. C'est pour cela qu'elle avait choisi de sortir avec lui. Elle l'avait trouvé mignon, et même si elle ne l'aimait pas, elle l'aimait bien. Elle avait même pris plaisir à adopter les rituels de l'amour, les « mon chéri », les « mon trésor » et le weekend annuel en couple dans un hôtel de province. Elle aimait jouer à l'hôtesse et inviter des couples d'amis, qu'elle regardait manger, avec ses mains sur les hanches et un sourire satisfait. Elle s'était même habituée à la cérémonie du vendredi soir; elle regardait le plafond blanc pendant qu'il lui faisait l'amour, et elle se félicitait d'avoir une vie sexuelle, comme tout le monde. Elle menait sa vie comme il le fallait, elle menait une vie calme.
Alors pourquoi les murs se rapprochaient-ils chaque jour?
by shamrock

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