Tu t'assieds. Tu soupires, tu te mordilles les doigts. Tu te relèves. Tu n'arrives pas à formuler tes pensées. Ta tête est lourde. Tu passes tes doigts dans les cheveux, en espérant que la douleur va bientôt passer. Tu vas et viens dans la chambre, comme un tigre en cage. Pendant une de tes rondes, tu aperçois ton visage, par hasard, dans le miroir. Le regard qui a croisé le tien pendant cette fraction de seconde ne te semble pas familier. Tu retournes devant le miroir pour contempler ton image. Les yeux que tu vois paraissent bien trop vides, bien trop vifs pour être les tiens. Tu parcours avec les doigts le contour de tes yeux. Quelques rides y sont déjà gravées, vestiges d'une époque plus joyeuse. Mais tu n'est pas d'humeur à rire aujourd'hui. Tu songes à toutes ces catins des affiches à la peau pixelisée mais parfaite, à ces putains publicitaires qui te promettent une sexualité épanouie, un avenir glorieux, le Shangri-La même, à condition que tu achètes les yaourts, les crèmes de nuit, les voitures de leurs proxénètes. Toi, tout ce que tu recherches, c'est quelque chose d'authentique. De vrai. Tu te consoles d'être assez intelligente pour ne pas tomber dans leur piège, mais tu n'en sors pas indemne. Tu te sens trop maigre, trop ronde. Tes cheveux sont trop secs, trop gras. Tu ne te trouves jolie qu'en photo ou dans la pénombre. Tu as presque honte de ne pas écarter les jambes pour tous ceux qui te le demandent, même si tu as la conviction qu'une femme mérite plus que d'être une simple poupée. Les yeux qui te regardent curieusement dans le miroir sont devenus humides. Est-ce parce qu'ils ont trop vu? Ou n'ont ils pas vu assez? Tu n'en sais rien. Tes rêves de fillette ne se sont jamais réalisés; la princesse a pour robe une uniforme de supermarché, pour trône un siège pivotant. Ta demoiselle d'honneur est une caisse enregistreuse qui te nargue inlassablement. Les courtisans qui viennent solliciter tes bonnes grâces sont des clients, et donc des rois et des despotes. Le corps qui se tient devant toi est un corps de femme, mais les yeux qui regardent droit dans les tiens sont ceux d'une fillette. Tu les couvres de tes doigts et tu t'effondres dans ton lit, les joues ruisselantes de larmes.
16.5.10
Femme
Tu t'assieds. Tu soupires, tu te mordilles les doigts. Tu te relèves. Tu n'arrives pas à formuler tes pensées. Ta tête est lourde. Tu passes tes doigts dans les cheveux, en espérant que la douleur va bientôt passer. Tu vas et viens dans la chambre, comme un tigre en cage. Pendant une de tes rondes, tu aperçois ton visage, par hasard, dans le miroir. Le regard qui a croisé le tien pendant cette fraction de seconde ne te semble pas familier. Tu retournes devant le miroir pour contempler ton image. Les yeux que tu vois paraissent bien trop vides, bien trop vifs pour être les tiens. Tu parcours avec les doigts le contour de tes yeux. Quelques rides y sont déjà gravées, vestiges d'une époque plus joyeuse. Mais tu n'est pas d'humeur à rire aujourd'hui. Tu songes à toutes ces catins des affiches à la peau pixelisée mais parfaite, à ces putains publicitaires qui te promettent une sexualité épanouie, un avenir glorieux, le Shangri-La même, à condition que tu achètes les yaourts, les crèmes de nuit, les voitures de leurs proxénètes. Toi, tout ce que tu recherches, c'est quelque chose d'authentique. De vrai. Tu te consoles d'être assez intelligente pour ne pas tomber dans leur piège, mais tu n'en sors pas indemne. Tu te sens trop maigre, trop ronde. Tes cheveux sont trop secs, trop gras. Tu ne te trouves jolie qu'en photo ou dans la pénombre. Tu as presque honte de ne pas écarter les jambes pour tous ceux qui te le demandent, même si tu as la conviction qu'une femme mérite plus que d'être une simple poupée. Les yeux qui te regardent curieusement dans le miroir sont devenus humides. Est-ce parce qu'ils ont trop vu? Ou n'ont ils pas vu assez? Tu n'en sais rien. Tes rêves de fillette ne se sont jamais réalisés; la princesse a pour robe une uniforme de supermarché, pour trône un siège pivotant. Ta demoiselle d'honneur est une caisse enregistreuse qui te nargue inlassablement. Les courtisans qui viennent solliciter tes bonnes grâces sont des clients, et donc des rois et des despotes. Le corps qui se tient devant toi est un corps de femme, mais les yeux qui regardent droit dans les tiens sont ceux d'une fillette. Tu les couvres de tes doigts et tu t'effondres dans ton lit, les joues ruisselantes de larmes.
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ReplyDeleteMais c'est pas gai!
Qui t'a inspiré cette image? en tous cas, je reconnais complètement son réalisme. On se croit toujours capable de résister aux méfaits de la société, mais parfois on ne peut s'empêcher de se comparer à ses "plus purs produits", si tant est qu'on peut parler comme ça de ces femmes relookées photoshopées maquillées des publicités!
Bises à toi et Lydia
Merci Camille.
ReplyDeletePersonne en particulier ne m'a inspiré cette image, j'ai juste essayé d'imaginer ce que ça doit être d'être une femme dans notre société!